Loi Numérique : Lâchez vos coms !

 

À partir de ce samedi 26 septembre, et pour environ trois semaines, la secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire soumet son projet de loi numérique à un exercice encore peu commun : la consultation publique. Ce “pour recevoir les commentaires de tout le public, mais aussi des propositions de modification du texte, voire des ajouts de nouveaux articles”. Comme elle l’expliquait sur France Inter, “On a vraiment fait preuve de créativité juridique”.

Alemaire

“On a vraiment fait preuve de créativité juridique”.

Le projet de loi, moderne, aborde les thèmes importants de l’Open Data et de l’accès au numérique pour tous, en y apportant des propositions concrètes. L’ouverture au débat public de ce texte constitue un exemple salutaire de démocratie participative – et puisque la démarche est collaborative, profitons de cette opportunité pour attirer l’attention sur la question de l’économie collaborative. L’économie du partage constitue un vecteur majeur d’innovation et de croissance – au cœur de l’actualité suite aux récentes péripéties autour de “Uber”.

Sous des apparences souvent sympathiques, tous les modèles économiques des startups collaboratives ne se valent pas. Si les services offerts par “Uber” et “BlaBlaCar” semblent équivalent, tout les oppose en matière de modèle. La première, faisant massivement appel à des autoentrepreneurs, prône la loi du plus fort et ce sans risque pour la compagnie. Sans protection pérenne pour les chauffeurs, elle précarise et s’attaque à notre système social de manière assez sournoise.

Tous les modèles économiques des startups collaboratives ne se valent pas.

La seconde, en revanche, constitue un exemple d’économie du partage mettant en relation des personnes cherchant à s’échanger un service. Allons plus loin : un objet à livrer ? Pourquoi ne pas proposer un verre en échange de la course, comme le propose “Bring me my” ? Cette économie du troc, de la mise en relation des services, plus locale et moins mercantile, est pourtant mal encadrée. Elle ne peut se développer sereinement sans une protection accrue des collaborateurs, surtout face aux géants américains.

startup collaboratives
BlaBlaCar, airbnb et Uber

Ce second modèle nous semble bien plus positif et mériterait d’être soutenu davantage. C’est pourquoi, dans une optique constructive, nous proposons la création d’un statut d’acteur collaboratif, étendant la protection et l’encadrement des droits du consommateur sur internet pour les contributeurs de ces startups.

Aujourd’hui, l’acteur collaboratif évolue dans un milieu juridique qui ne le reconnaît pas, il se heurte à des définitions qui ne sont pas prévues pour lui. Qui plus est, sans qualification juridique, l’acteur ne peut connaître ses limites.

Aujourd’hui, l’acteur collaboratif évolue dans un milieu juridique qui ne le reconnaît pas.

L’idée serait donc d’encourager ces contributeurs en clarifiant le cadre dans lequel ils évoluent, en créant une frontière précise à travers le statut d’acteur collaboratif et la définition de ses activités entre professionnel et non-professionnel.

La startup “Ouistock” par exemple, propose à des particuliers de louer des lieux de stockage. Or, le fait de pratiquer à titre de revenus principaux une activité nécessitant des actes de commerce de manière habituelle, peut faire basculer le simple particulier du statut de consommateur à celui de commerçant.

Nous souhaiterions en ce sens distinguer les activités dont la rémunération correspond à une contribution aux frais (comme les frais de voyage dans le transport collaboratif) de celles correspondant à une rémunération spéculative, en vue de produire des revenus1. Distinction qui offrirait aux pouvoirs publics et à la justice la faculté de sanctionner efficacement le recours aux salariés déguisés, tel que pratiqué par “Uberpop” qui constitue un cas d’école en la matière.

Invest in Sharing - Jonathan McIntosh - flickr cc
Invest in Sharing – Jonathan McIntosh – flickr cc

Un statut protecteur de l’acteur collaboratif permettrait de renforcer l’obligation d’information qui pèse sur les plateformes en ligne afin de prévenir l’utilisateur des risques liés à son activité2. Il s’agirait aussi de définir les droits et devoirs de ce nouvel acteur, les limites et les normes qu’il devra respecter. Prévoir la responsabilité juridique de ce dernier afin de lui permettre de mieux estimer les risques liés à son activité et faciliter la prise en compte de cette activité par les assurances notamment.

Enfin, lorsque l’activité n’est pas une source principale de revenus, nous souhaitons pouvoir garantir aux contributeurs une sécurité juridique face au droit fiscal et au droit de la concurrence3. Les exemples de confrontations avec les professionnels ne manquent pas ; “Vizeat” par exemple, qui propose de dîner chez l’habitant, se voit déjà accusé de concurrence déloyale par les restaurateurs.

Motivés par la cause de startups françaises, désireuses de bénéficier de cet encadrement juridique, nous sommes ravis de pouvoir apporter notre pierre à cet édifice participatif mis en place par le ministère en proposant un texte définissant le statut d’acteur collaboratif que nous vous invitons à soutenir, ce en vous encourageant, vous aussi, à participer à cet exercice unique de démocratie participative.

Nous vous encourageons vous aussi à participer à cet exercice unique de démocratie participative.

Avec Maxime Gierczak -­ juriste d’entreprise collaborative -­ @GierczakMaxime


1 Il est possible de se référer aux actes réputés commerciaux, énoncés à l’article L110­1 du Code de commerce afin de définir ceux susceptibles d’entrer dans le champ des relations contractuelles de l’acteur collaboratif.

2 L’obligation d’information ferait alors peser sur le professionnel (la plateforme) la charge de la preuve. À partir du moment où la preuve de l’existence de l’obligation est rapportée, c’est à celui qui se prétend libéré de justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation comme le prévoir l’article 1315 al. 2 du code civil.

3 La décision de la Cour de cassation du 12 mars 2013 qui énonce que le covoiturage ne constitue pas une pratique déloyale dès lors que le transport se fait à titre bénévole et que l’indemnisation n’est pas supérieure aux frais induits par l’utilisation du véhicule et du transport serait une bonne base pour le texte de loi.

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