Pour la création d’un statut protecteur de l’acteur collaboratif

Il est indispensable d’encourager l’économie du partage et ses acteurs, en proposant un statut définissant leurs droits, le cadre dans lequel ils évoluent, les protégeant du flou.

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Dans un tribune diffusée par Le Monde que nous vous invitons à lire, nous expliquons pourquoi il nous semble indispensable d’encourager l’économie du partage, qui repose sur des particuliers s’échangeant biens et services sans que ceci ne constitue leur activité principale, en proposant un statut définissant leurs droits, le cadre dans lequel ils évoluent, les protégeant du flou et des risques liées à cette activité secondaire – le tout afin de pérenniser les compagnies du partage face aux « Uber-mastodontes ». Si cette proposition vous semble digne d’intérêt, ou si vous pensez pouvoir y apporter une modification ou un ajout, vous pouvez la soutenir ici même.

Descriptif détaillé des mesures envisagées

La création d’un statut d’acteur collaboratif doit selon nous s’intégrer dans le mouvement de protection du droit du consommateur et pour cela, trouverait aisément sa place dans le code du droit de la consommation. Pour autant, ce nouveau statut ne crée pas un nouveau consommateur mais un nouvel acteur économique dans le cadre très particulier de l’économie numérique.

Ce choix de restreindre le champ d’application de ce dernier à l’activité numérique est guidé par le caractère particulier de l’économie numérique où la dématérialisation des intermédiaires (plateformes) fait peser un risque supplémentaire sur les usagers de cette dernière. L’information est plus difficile à obtenir, le recours en justice moins évident, les responsabilités rarement partagées.

Création d’un statut de l’acteur collaboratif

1. Définition

L’acteur collaboratif est un individu qui, du fait de son activité particulière, se doit d’être protégé et distingué du professionnel mais peut pour autant, de par sa participation active à des activités commerciales, se voir imposer des obligations et prendre sa part de responsabilités nées de son activité. De manière générale, nous pouvons le définir comme : une personne physique contractant avec une ou plusieurs autres en créant un rapport d’obligations d’ordre économique en dehors de toute activité commerciale et salariale, par le biais d’une plateforme numérique de mise en relation.

Sa caractéristique de personne physique exclut donc toute personne morale à quelques titres que ce soit, association, société ou autres.

Il s’agit ensuite de définir son activité.L’activité de l’acteur collaboratif est une activité non professionnelle et accessoire de fourniture de biens et de services à titre gratuit ou onéreux.

Il est entendu par « non professionnelle » que cette dernière s’exerce hors de quelques cadres commerciaux. De la même façon, il est entendu par « accessoire » que cette dernière ne s’inscrit qu’en complément d’un autre revenu et ne peut être source principale de revenus.

Le fait d’entrer dans le cadre de ce statut exclut donc de facto la possibilité d’être qualifié pour cette même activité de consommateur ou de professionnel.

2. Distinction avec le professionnel

Du fait de son activité, l’acteur collaboratif peut notamment être amené à faire des actes de commerces, sans pour autant se voir qualifié de commerçant. Ainsi, il s’agit dans un premier temps de définir les actes de commerces qui pourraient relever de l’activité de l’acteur collaboratif et ceux n’entrant pas dans le champ contractuel de son activité.

Les actes réputés de commerce par la loi sont définis à l’article L.110-1 du Code de commerce.

L’acteur collaboratif peut à travers son activité, louer, vendre et partager des biens ou des services.

Ainsi peut-on estimer que relève de son activité « Toute entreprise de location de meuble », prévu à l’alinéa 4 de l’article L.110-1. De même, s’apparente à une activité de l’acteur collaboratif, « Toute entreprise […] de transport par terre ou par eau » prévu à l’alinéa 5 du même article.

L’usage répété de ces actes de la part de l’acteur collaboratif n’entraînerait donc pas de requalification en commerçant de fait.

De plus, il est important de distinguer les rémunérations pour avoir une séparation avec le milieu professionnel.

3. Distinction parmi les rémunérations

L’acteur collaboratif en tant que non-professionnel peut obtenir 3 formes de rémunération :

  • rémunération correspondant à uneparticipation aux frais ;
  • rémunération correspondant à unbénéfice ;
  • rémunération en nature ou par un échange de service.

L’intérêt de cette distinction est d’encadrer les revenus et la fiscalité issus de ces derniers.

Le principe est l’imposition d’un revenu net. Il ne peut y avoir de revenus imposables lorsque le produit compense une charge non déductible. Ainsi, lorsque la rémunération ne correspond qu’à une participation aux frais telle que dans le cas du covoiturage, aucun revenu n’est réalisé : le droit fiscal ne s’applique pas.

En revanche, le droit fiscal peut s’appliquer lorsque des bénéfices sont tirés d’une activité exercée dans le cadre de l’économie collaborative et participative. Pour autant, l’objectif étant de garantir la pérennité de ce nouveau modèle économique, nous ne souhaitons pas voir une taxation s’appliquer à tous les revenus. Ainsi, nous souhaiterions la mise en place d’un seuil au-delà duquel les bénéfices tirés de l’activité de l’acteur collaboratif doivent être déclarés, sur le modèle du système de l’autoentrepreneur.

Pour rappel, l’autoentrepreneur peut opter pour un régime de prélèvement obligatoire qui lui permet de payer l’impôt sur le revenu au fur et à mesure de ses encaissements. Le montant de l’impôt ne pouvant alors être déterminé sur un chiffre net annuel, il est alors déterminé par application d’un certain pourcentage sur le montant du chiffre d’affaire réalisé sur la période.

Dans le cas de l’acteur collaboratif, nous proposons de prévoir un régime de prélèvement obligatoire par application d’un pourcentage sur le montant du chiffre d’affaire réalisé au cours d’une année dès lors qu’il est supérieur à un chiffre donné ( 5000 € par exemple, qui est le seuil proposé par le groupe de travail du Sénat dans le rapport « L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE : PROPOSITIONS POUR UNE FISCALITÉ SIMPLE, JUSTE ET EFFICACE »). Autrement dit, nous proposons d’exonérer l’acteur collaboratif jusqu’à un certain montant, partant du principe qu’il est important de proposer un encouragement symbolique à cette nouvelle pratique, et qu’en l’état le collaborateur occasionnel ne déclare que rarement les quelques revenus issus de cette activité.

Encourager les échanges en nature et de services

Enfin, nous souhaitons encadrer et non interdire les rémunérations en nature et par des échanges de services puisque ces dernières correspondent à l’esprit même de partage qui anime l’économie collaborative.

Afin de permettre à ces rémunérations d’exister tout en évitant le risque de donations déguisées, nous proposons deux mesures :

  • Une interdiction du paiement en nature par tout bien autre que consomptibles par le premier usage ;
  • L’interdiction d’un paiement par un bien ou un service ayant une valeur excessivement déraisonnable. Notion à rapprocher de celle de « raisonnable » telle qu’employée par le Code civil notamment aux articles 601 et 1728.
Chambé-Carnet - Flickr
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4. Concurrence déloyale

La distinction entre rémunération correspondant à une participation aux frais et rémunération correspondant à un bénéfice trouve aussi sa justification dans le cadre du droit de la concurrence.

En effet, la cour de cassation a considéré dans un arrêt du 12 mars 2013 que le covoiturage ne constituait pas une pratique déloyale dès lors que le transport se faisait à titre bénévole et que l’indemnisation n’était pas supérieure aux frais induits par l’utilisation du véhicule et du transport.

Par un raisonnement analogue, nous estimons que le caractère de concurrence déloyale ne peut être retenu pour toute activité de l’acteur collaboratif dès lors que cette dernière est à titre bénévole et que l’indemnisation n’est pas supérieure aux frais qu’induit l’activité.

Afin de protéger l’acteur collaboratif d’une action en concurrence déloyale, nous plaidons aussi pour un aménagement du droit à cet égard, en instaurant un seuil de revenus (nous suggérons 10 000 €) annuels au-delà duquel l’activité ne peut plus correspondre à une simple activité accessoire. Sous ce seuil, le statut d’acteur collaboratif s’applique pleinement et le contributeur est protégé des actions en concurrence déloyaledans les conditions décrites ci-dessus. Au-delà, l’activité n’est plus considérée comme secondaire.

5. Protections face aux risques induits par l’activité

De par son activité, l’acteur collaboratif s’expose à différents risques. Nous en dégageons 3 principaux qui doivent être pris en compte :

  • le risque lié à son activité face à la plateforme ;
  • le risque lié à son activité face à un autre acteur collaboratif ;
  • le risque lié à son activité face aux assureurs.

Quelles réponses peuvent être apportées du point de vue légal ?

Les plateformes numériques sont indispensables à l’économie numérique. Agissant comme des professionnels, il nous semble nécessaire de protéger l’acteur collaboratif en imposant à ces dernières un devoir d’information.

Le droit doit non seulement imposer aux plateformes une rédaction claire, concise et facilement accessible de ses conditions d’utilisation mais aussi attirer l’attention par une obligation de conseil sur les risques liés à l’activité, à la responsabilité de la plateforme dans ces activités et aux recours possibles ainsi que le droit applicable à ces dernières.

Concernant les risques liés à l’activité face à un autre acteur collaboratif, nous considérons que le droit commun à travers les responsabilités contractuelles et délictuelles joue parfaitement son rôle et qu’il n’est pas opportun de créer un nouveau régime de responsabilité. L’acteur collaboratif n’étant pas un commerçant, il prend de ce fait sa part de responsabilité comme prévu par le droit en cas d’inexécution ou mauvaise exécution de son obligation contractuelle.

Enfin, concernant les assurances, nous proposons de ne pas spécialement modifier les règles en vigueur maisrappeler et souligner les responsabilités incombant à l’acteur collaboratif comme à l’assureur.

L’assureur étant un professionnel qui propose des contrats d’adhésion, il nous semble important de maintenir les obligations à la charge de ce dernier. Ainsi, nous pensons que l’assureur doit demander de manière explicite à son assuré s’il pratique une activité collaborative dans le cadre de l’assurance proposée. L’assureur ne pourra en aucun cas reprocher à l’acteur collaboratif l’absence d’information à ce sujet. En revanche, dans le cas où l’assureur en a expressément fait la demande et que le particulier a répondu par la négative, la charge de l’information pèse alors sur ce dernier en cas de modification de son statut ; c’est-à-dire s’il vient à évoluer en passant du statut de consommateur à celui d’acteur collaboratif.

Par Maxime Gierczak et Michael Vincent.

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